„Business Saviorism“ in Aktion – Mein Reality-Check mit GOT BAG

« Business Saviorism » en action : Comment j’ai aidé GOT BAG à se regarder dans le miroir

Des centaines de participants et une super ambiance pour le premier Bagyard Sale de GOT BAG ! Lecture « Business Saviorism » en action : Comment j’ai aidé GOT BAG à se regarder dans le miroir 5 minutes

Le term « Business Saviorism » désigne la tendance à présenter l’« aide » comme une forme de charité héroïque. Dans cet article, Lavinia Muth, autrice invitée, revient sur le workshopqu’elle a tenu avec l’équipe de GOT BAG à Mayence. Elle y examine de manière critique la communication de la start-up autour de son partenariat avec l’ONG indonésienne et leurs activités de nettoyage communes.

Qui suis-je pour en parler ?
Pendant plus de dix ans, j’ai réalisé des évaluations d’« empowerment » – jusqu’à ce que je comprenne qu’on recyclait simplement le colonial pity (pitié coloniale). Aujourd’hui, je tiens des workshops pour aider entreprises et ONG à repérer les dynamiques de sauveur dans leurs actions, de la com’ de Patagonia (« Nous sommes en affaires pour sauver notre planète » – syndrome du héros, bonjour) à la collecte de plastique de GOT BAG. Pensez à moi comme à une exorciste des récits entrepreneuriaux (généralement blancs) sauveurs.


Le diagnostic que personne ne demande en RSE
Le business saviorism – version corporate du white saviorism – apparaît quand une entreprise ou une ONG présente son « aide » comme de la charité héroïque, masquant les déséquilibres de pouvoir avec de bonnes intentions.

Lorsque GOT BAG, marque allemande de sacs à dos recyclant le plastique marin, m’a demandé d’analyser sa communication autour de son programme en Indonésie, les signaux d’alerte étaient flagrants :

  • Titres :
    « C’est la seule façon d’agir. »
    « Il faut agir maintenant. »

  • Visuels :
    Fondateurs blancs rayonnants posant avec des sacs de déchets (spoiler : ce sont les locaux qui ont ramassé).

  • Chiffres :
    « X tonnes collectées ! » (Peu d’infos sur les moyens de subsistance ou les droits d’auteur des photos de « ramasseurs heureux ».)

Du saviorism classique : bien intentionné, mais aveugle aux structures.


Le workshop : Inconfortable ? Oui. Transformateur ? Demandez-leur.

En mai 2025, l’équipe de GOT BAG était prête pour trois heures de séminaire à Mayence conçu pour :

  • Tracer les rapports de pouvoir (Qui fixe les budgets ? Qui est mis en avant dans les récits ?)

  • Analyser le langage, par exemple :

    • passer de « C’est la seule façon » à « Voici des stratégies possibles »

    • de « aider » à « soutenir/collaborer »

    • de « nous collectons » à « les participant·es locaux·ales collectent »


Ce qui a changé :

  1. Passage de « Nous collectons les déchets plastiques en Indonésie » à un récit centré sur les partenariats locaux.
    Problème : ce langage efface les systèmes locaux existants et implique que la solution vient de l’extérieur.
    Réécriture :
    « Notre fondation partenaire mène un programme de nettoyage, où des participant·es locaux·ales collectent les déchets plastiques. »
     

Pourquoi c’est important :

  • Reconnaît le rôle moteur et central des partenaires indonésiens

  • Utilise une voix active pour les acteurs locaux

  • Rétablit la réalité des rapports de pouvoir (GOT BAG soutient – ne pilote pas)

  1. Analyse des échos coloniaux

    • Pourquoi les visuels montraient-ils des backpackers blancs tenant des sacs pleins, plutôt que ceux qui les ont remplis ?

    • Pourquoi les citations des partenaires indonésiens étaient-elles reléguées aux rapports, tandis que les fondateurs dominaient les communiqués de presse ?

  2. Mise en place d’actions collectives
    Leur devoir :
    ✔ Revoir les guidelines de com pour éviter le langage sauveur
    ✔ Vérifier les droits d’auteur des images (fini le « ramasseur heureux » sans consentement)
    ✔ Créer une charte visuelle avec une représentation à hauteur d’humain

Pourquoi la posture de GOT BAG compte

La plupart des marques fuient quand je demande : « Qui a décidé que c’était de l’aide ? » Mais GOT BAG est restée.
Six semaines après le workshop, ils avaient :

  • Instauré un langage co-construit dans tous les départements – aucune histoire portant sur une communauté spécifique ou un collecteur publiée sans validation par des collecteurs de déchets indonésiens impliqués

  • Intégré un « checkpoint saviorism » dans leur playbook de campagne

Ce n’est pas une question de honte. C’est une question de rééquilibrage du pouvoir, trop souvent camouflé en générosité.

À vous de jouer : un mini-diagnostic
Prenez le dernier rapport RSE de votre boîte. Entourez tous les verbes en « nous » (« nous formons », « nous donnons ») → Réécrivez par contre: « nous finançons », « nous suivons les leaders locaux ».

Et ensuite, vérifiez : est-ce que vous le faites vraiment ? Sinon, le problème, c’est vous.
Qui est cité comme expert ? Qui est juste une petite image ?
Posez la question de GOT BAG : « Nos partenaires appelleraient-ils ça un “soutien” – ou juste une gestion tardive de notre culpabilité ? »


Dernière pensée

Le business saviorism n’est pas juste un problème de réputation – c’est un échec éthique.
Quand la durabilité renforce les inégalités, elle devient partie du problème.

Le véritable impact demande de l’humilité : redistribuer le pouvoir, pas seulement recycler le plastique ; mettre les communautés au centre, pas la marque. GOT BAG montre que ce n’est pas une quête de perfection, mais un engagement constant à se remettre en question.

À vous de jouer.

À propos de l’autrice :


Lavinia Muth est consultante en (in)soutenabilité et ex-bienfaitrice repentie. Elle a plus de 15 ans d’expérience dans les secteurs de la mode et de l’agriculture durable.